J'avais écrit initialement ce texte en Octobre. Je le propose en cette fin d'année, réadapté. Le genre de texte que j'écris un plusieurs fois.
Quand on est toujours fiévreux, bien d'avoir un billet à sortir. Il aura des petits. Chat GPT m'a amusé, et je reste convaincu que l'homme et le progrès vont bien ensemble...
En tant qu'élu CSE, je suis consulté, entre autre, chaque fois qu'un nouvel outil
(informatique souvent) est mis en place.
Là où je travaille, un projet d'ampleur prévoyait pour le début d'année prochaine la mise en place d'un ERP (
outil qui fait tout, compta production RH achats papa/maman). Prévoyait car finalement reporté (l'homme fait des projets, Dieu se marre).
Je suis de ceux qui pensent que c'est un progrès.
Oui, il faudra de l'accompagnement au changement, c'est obligatoire. Oui, ça ne se fera pas d'un claquement de doigt. Mais l'élu syndical réclamait des simplification et du progrès, et nous, CSE, demandions simplification et progrès.
Pourtant, lors d'un CSE ou il fallait donné un avis, j'ai fais chaise vide car en désaccord avec une presque unanimité (à part mon syndicat). "Ca va enlever des emplois !", "régression sociale", etc... Délire syndical, comme trop souvent.
On pense souvent à la France d'Emile Zola quand on parle de progrès. On pense à Germinal, ce roman noir où des hommes, des femmes et même des enfants s’épuisaient au fond des mines, avalés par la terre et broyés par le charbon.
Le progrès ? Ca va les mettre au chômage, ces pauvres ouvriers qui ne vivent pas bien longtemps et qui risquent leurs vies d'un coup de grisou. Voilà comment étaient défendus ces pauvres personnes qui avaient un travail pénible et dangereux pour leur vie. On les réduisait à des "travailleurs".
Pour la caricature, le symbole d’un progrès industriel brutal qui enrichissait quelques-uns en détruisant beaucoup.
Mais le progrès, ce n’est pas ça. Le progrès n’a pas vocation à faire du chômage au contraire. Il a vocation à élever l’homme, à ne pas le considérer comme une bête de somme. Le progrès, s’il est vrai, s’il est bien pensé, doit être l’inverse de la caricature prolétarienne : il doit supprimer les tâches qui cassent le dos et l’âme, et permettre à l’homme d’aller plus haut, plus loin.
C’est là qu’une vision gaullienne du progrès trouve sa place. Le Général ne croyait pas en une France suiveuse, passive, soumise. Il croyait en une France qui prenait son destin en main, qui osait se donner les moyens de sa liberté. « Une certaine idée de la France » impliquait aussi une certaine idée du progrès : un progrès humaniste, au service de l’homme, et non l’inverse.
Des exemples ? Le nucléaire, militaire au départ, civil par la suite. Mais y en a pleins d'autres exemples. Les vaccins étaient avant le gaullisme : admettez que Pasteur n'avait pas comme arrière pensée complotiste d'inoculer des microparticules dans le corps des gens qu'il protégeait. Il voulait soigner.
Aujourd’hui encore, face aux mutations technologiques, on retrouve la même peur que chez Zola. On dit : « Les machines vont remplacer l’homme. ». C'est presque pavlovien comme reflexe.
La vérité est plus subtile : les machines remplacent la souffrance. Elles obligent l’homme à monter en compétences, à se former, à apprendre. Le danger n’est pas le progrès : c’est de laisser le progrès se faire sans maitrise et surtout sans but ni projet.
Je travaille dans le nucléaire. Avant, on envoyait dans des zones exiguës, chaudes, sans lumières, avec des dangers radiologiques immenses, des travailleurs du nucléaires. Aujourd'hui nous envoyons des robots.
C'est quand même mieux de développer le métier de roboticien, de mainteneur, et d'envoyer des robots se prendre des risques plutôt que des copains, non ?
Parlons d'un autre sujet. L'intelligence artificielle. Pour beaucoup, elle détruira des métiers. Pour moi, elle nous fera évoluer. Encore faut il que l'homme garde la main sur le projet. Je discutais avec un spécialiste chez moi, qui a connu l'IA bien avant moi. Il me connait bien et sait que j'aime beaucoup Luc Ferry, dont j'attends le retour sur LCI ou ailleurs.
Nous avons avec Luc Ferry une différence de vue sur l’intelligence artificielle. Et je trouve intéressant de noter ces différences.
- Luc Ferry, quand il parle du progrès, il le fait en philosophe. Il cherche à replacer les avancées technologiques dans une histoire des idées : l’humanisme, la modernité, la promesse d’un « homme augmenté », mais aussi les dangers du transhumanisme. Il est plus dans la mise en perspective et dans une approche un peu académique, parfois perchée.
Il insiste sur le risque de dépossession : selon lui, l’IA pourrait priver l’homme de sens, de responsabilité, voire de sa place dans le monde. C'est en effet un risque. Michelin le philosophe de Clermont Ferrand dirait "sans maitrise la puissance n'est rien".
- Moi (modeste côté ingénieur), j'en parle avec un vécu d’ingénieur, de syndicaliste, de prof, d’élu. Je pars du concret : les boulots qui usent, les compétences qu’on doit apprendre, la réalité de l’atelier ou du bureau. Et j'y mets une vision gaulliste : le progrès doit libérer l’homme, pas l’asservir. Je suis dans le fonctionnel, l’opérationnel, mais aussi avec une dimension morale claire (Zola n’est jamais loin chez moi).
Je vois l’IA comme un outil : elle ne supprime pas l’homme, elle l’élève — si nous savons la maîtriser et l’orienter. Et nous devons la maitriser et l'orienter.
Luc Ferry parle du progrès comme un concept. Moi comme une trajectoire humaine et sociale. Et nous avons raison tous les deux.
Le vrai enjeu n’est donc pas de craindre l’IA, ni de se réfugier dans la nostalgie d’un passé idéalisé. Le vrai enjeu est politique au sens noble : décider de ce que nous voulons faire du progrès.
Mon gaullisme, au fond, c’est ça : se donner une direction, une boussole, au lieu de subir les vents. Zola a décrit les drames d’un progrès sans boussole. À nous de faire en sorte que le progrès d’aujourd’hui — numérique, technologique, scientifique — ne soit pas un nouveau Germinal, mais une libération.
Après, si la France est en retard sur l'IA nous savons utiliser les outils.
Je termine par une anecdote avec le stagiaire ingénieur de l'ECAM que j'ai eu. Un prof, en 1998 (loin de l'IA) me parlait d'un logiciel de calcul par éléments finis (ANSYS pour ceux qui connaissent). De la mécanique pousséu loin. Il me disait que le logiciel ne donnerait que le résultat issu des données d'entrée que je lui donnerai.
Donc 1/ je suis garant de la validité de ces données (sans quoi le résultat sera faux) et 2/ quand bien même les données soient bonnes, ce n'est pas le logiciel qui sera responsable de ce que je ferai de son calcul. Donc je dois me poser la question si le résultat est bon.
Le meilleurs des outils ne marchera pas si l'homme ne le maitrise. Et l'IA ne donnera rien si nous ne la maitrisons pas et si nous n'avons pas de but.
La vraie question n’est pas faut-il craindre l’IA ? mais qu’allons-nous en faire ?. N’ayons pas peur du progrès. Ce serait vraiment idiot.