Je n'ai pas encore écrit de choses bien sérieuses sur le scrutin de dimanche. Peut être car je n'ai pas tant d'analyse bien personnelles de plus pertinentes ou originales que celles que l'on peut entendre ou lire en longueur de presse et d'éditoriaux. Je ne suis pas un analyste politique, juste un jeune garçon de 27 ans, qui aime la politique, qui aime sa société, son département, ses amis, et qui donne ses quelques modestes - mais sincères - impresssions et sentiments. Néanmoins, j'ai vécu cette journée de référendum d'une manière particulière et personnelle. Je m'en vais vous conter mon histoire de la journée de référendum. Mon référendum, en quelque sorte...
J'étais la veille dans le Beaujolais féter le mariage de deux amis que j'adore. Le marié était au moins aussi beau et joyeux que la mariée était resplendissante, devant ces grands vignoble du sud de la Bourgogne qui s'étendaient à pertes de vues. Seuls quelques villages de pierre semblaient troubler ces larges langues vertes. C'était magnifique, le mariage était magnifique, j'ai revu d'anciens compagnons de promotion, j'ai vu mes amis bien chers, et que j'aime sincérement. En plus, le Champagne (qui n'est pas une boisson que je rafole) était, à mon avis, sublime. C'était un chouette mariage. Sauf peut être trois petites choses qui m'ont ennuyé...
* Marseille... Cf post du dessous (pour 2 buts au goal average...) ;
* La perspective de trois heures de route le lendemain, en plein soleil, pour un scrutin se terminant à 22 heures. J'y pensais des fois, et cette anxiété me faisait un peu mal au ventre. Le Côte du Rhone Village (un vin d'Uchaux bien puissant comme je les aime) me détendait alors prodigieusement ;
* les innombrables "alors Président, il faut voter quoi demain ?", avec la tape amicale qui va dans le dos... Je ne supporte pas de me faire traiter de "politicien" (car je trouve ce terme injurieux, et je n'en suis surement pas un !), mais c'est la règle du jeu, et je l'accepte... Mais savaient t'ils, pour la plupart, mes doutes réels sur ce vote ? Pour certains, je suis un souverainiste gaulliste convaincu du non, pour d'autre un libéral de droite adepte du oui. Je ne suis ni l'un, ni l'autre.
Ensuite la journée du dimanche. Sur la route StEtienne - Orange, France Info distillait les premièrs taux de participation. Il est 13 heures, et la climatisation de ma Clio marche à fond tant la bouteille de Contrex m'accompagnant sur le siege passager à tendance à chauffer sous l'effet de ce soleil rieur. Le taux de participation est énorme. Et nous attendons ici le commentaire d'une huile qui nous explique que c'est la mobilisation du "vote utile", pour le oui donc. Avant de se faire contredire par le "spécialiste de politique référendaire du Pas de Calais", qui explique sans rire que mobilisation = vote sanction. A ce moment là, comme disait Coluche "quand on a pas plus à dire que ça, il vaut mieux fermer sa gueule", et j'ai donc appuyé sur le bouton "source" de mon autoradio Sony. C'est beau un CD qui chante.
Une petite douche, une sieste rapide de 30 minutes devant la défaite de PHM devant un argentin à Rolland Garros, une chemise bleue propre et un coup de "sent-bon", et voilà le conseiller municipal qui vient tenir son bureau de vote. D'abord je prends les deux bulletins, fait mon choix dans l'isoloir (un pile ou face avec une piece de 50 centimes allemandes), et je vote avant de prendre place derrière l'urne. Mon prédecesseur a eu la bonne idée d'empiler des chaises, ce qui fait que je peux tenir l'urne assis. Quelle bonne idée ! Encore faut il ne pas s'endormir dessus, cela ne fait pas trés républicain devant nos citoyens venant faire leur devoir civique...
Je regarde le taux de participation de mon village et le compare aux élections cantonnales de l'an passé (élection à fort taux de participation). + 5 % (!!!). Mes concitoyens se déplacent en masse, et le flot continue ne cesse... Je vois des gens que je ne vois que pour les élections, on se serre la main, on discute, on papote. Du "relationnel" diront certains. Ils n'ont pas tort. Et le taux de participation ne cesse de grimper. Il atteindra à 20 heures 79 %.
Pendant cette journée chaude et estivale, les discussions vont bon train. Le Maire de mon village parie sur un non franc et massif. Quant à moi, j'échaffaude un scénario Floridien en buvant un Perrier bien frais (qui me rend ma voix... j'étais presque aphone...). Si le non passe, ce soir, à 50,2 % par exemple ? Un score à la Maastricht ? Pourquoi ne pas garder les résultats incertains, recompter les bulletins ? Et le tout jusqu'à mercredi, jour de vote des hollandais ? Je vois en face de mon histoire politiquofictionnesque quelques sourires. Ni admiratif, ni moqueurs. Mais pourquoi pas ?
Quelques informations me viennent des villages avoisinnant. La participation est aussi forte que le soleil est brillant. Je me demande pourquoi je ne suis pas avec mon amie au bord d'une piscine à lire un Umberto Eco... Mon maire pense peut être à son bateau en Méditérannée, qui sait ? Et je donne sans discontinué le nom et le numéro de carte du votant, attendant l'approbation du teneur du registre. Je tire le levier, en soufflotant un "a voté" pénible... Je n'ai plus de voix, alors que je n'ai pas crié la veille ? Cigarette (une seule...) fumée en discutant avec un couple d'amis dehors ? Climatisation ? Fatigue ? Enfin, est ce bien important de savoir ?
Puis vient le dépouillement. Je passe les quelques railleries de certains élus (non, je n'étais pas à l'ouverture du bureau le matin, mais dans un lit à StChamond car je m'étais couché deux heures plus tôt, et je vous dit zut), pour arriver au moment du vidage de l'urne. On trie les bulletins par paquets de 10, puis on les mets dans des enveloppes par 100. Silence se fait. Je me mets à coté de la secrétaire de mairie qui se prépare à comptabiliser les blancs et nuls (là encore, y aurait à dire sur le système des blancs et nuls, autant ne pas voter puisqu'ils ne sont pas comptabilisés au final), et je commence à séparer l'envellope du bulletin, pour le donner au Maire, qui le transmet au "lecteur". Derrière, deux scructateurs ajoutent des barres dans les lignes "oui" et "non". La première centaine se termine par un 59 à 40 pour le non (un bulletin nul).
Ce qui est étonnant, c'est qu'il est statisquement et empiriquement prouvé que le "rythme de croisière" se révèle toujours le même. Nous avons sensiblement la même proportion de oui et de non dans chacune des enveloppes. Et mes doigts ne cessent de séparer des "oui" et des "non" de ces petites enveloppes. Ils s'emmeleraient presque. Je vois beaucoup de non passer entre mes mains. Beaucoup... Quelques oui, beaucoup de non. Et les "oui", "oui", "non", "non", "non", "non", "oui, "non" s'égrennent intemrinablement par les voix barytonnesques des lecteurs. En souriant, je dis à notre adorable secrétaire de Mairie qu'une voix plus charmante et féminine serait peut être un peu plus agréable (pour ne pas dire autre chose)...
Et le final est sans appel. Dans mon village, le "non" est à 65 %, le oui à 35%. Au même instant, je reçois un sms d'un de mes plus proches amis habitant à coté de Grenobles. A Bernis, petit village au Nord de Grenoble, le oui est à 60 %. Je l'annonce, et dans l'hilarité générale devant cette impossible conclusion à tirer, on se laisse à penser que le scrutin va être trés serré. Je serai plus tard dans la soirée, à la mairie principale du canton, que le score du non dans mon village est parmis les plus faibles du canton, avec une pointe à 70 % chez le conseiller général socialiste du canton, qui a reçu Jack Lang en début de mois de Mai. Dans le Gard, le NON fera 65 %.
La suite, ensuite, je la partage avec la France, et ma petite histoire de "mon" référendum s'arrete là. Je vais chez mes amis politiques, on regarde le score ensemble, et on voit le non triompher à 55 %. Je suis abassourdi par la claque. Mes amis, sensibles au non, esquissent un sourire satisfait. Leur petite fille que j'adore se lève pour voir le résultat. Et je rentre à la maison, écoutant JeanMichel Apathie sur RTL commenter le séisme. Je croise mes parents. Mon père a voté oui. Il n'est même pas en colère, mais a cette phrase qui, je trouve, résume mon état d'esprit et le résultat : "ils l'ont bien cherché... maintenant on verra la suite. Je vais me coucher" (le lendemain, mes parents partent en voyage en Crète...).
La suite, nous la vivons partiellement en ce moment. Un nouveau premier ministre, une "nouvelle impulsion", un attelage surprenant, une bouillabaisse politicienne (celle là même qui semblait en partie avoir été dénoncée par les électeurs, mais bon...). Par contre, ce n'est pas un "malaise" (pour reprendre le terme du Président) qui a l'air de se tramer dans la population, mais incroyablement plus. Je rentre ensuite peut être dans une analyse plus personnelle, que je livrerai plus tard.
Pour terminer, mon état d'esprit ? A chaud, il était indifférent, presque détaché. La fatigue je pense. Et puis un peu la tristesse du débat qui se finit. J'aime les campagnes électorales, que la victoire ou la défaite soit au bout. Sur ce scrutin, je n'ai ni gagné ni perdu. Le oui aurait passé cela aurait été pareil. Mais le spectateur que j'ai été s'est passionné pour ce débat.
Par contre, depuis 4 jours on ne parle plus d'Europe... C'est fou comme un soufflet retombe vite.