La rentrée s'est bien passée. Mieux que j'imaginais. Pour autant, reprendre en début septembre après la parenthèse un peu enchantée de l'été rappelle une chose. Le temps passe.
Mon grand est entré en 3eme. Je me souviens combien j'étais ému de son entrée en 6eme, dans "mon collège". Celui où j'étais élève. Puis quand j'étais élu dans mon village (quand j'étais élu...), j'étais au conseil d'administration de ce même collège.
Dans mon d'un mois, j'aurais 48 ans. C'est jeune mais y a de grandes chances d'avoir moins d'avenir que de passé.
Hier, j'ai raccompagné chez lui le stagiaire de mon école d'ingénieur que j'ai tutoré trois mois. Dans la voiture, on avait notre dernière discussion. Un élève brillant, admirable, attachant. Modeste. Je lui parlais du PCM. Et du principe de réalité.
Quand j'avais son age, je croyais que toutes les montagnes pouvaient se gravir. Je pensais qu’avec de l’effort, du courage, du travail, et surtout beaucoup de loyauté, atteindre les sommets était possible. J’étais certain qu'un place m’attendait, là-haut.
Même une confidence : un de mes fims préféré était "mon nom est personne". Et je m'imaginais, comme Terence Hill l'imaginait pour Henry Fonda, que j'aurais mon nom dans les livres d'histoire...
Aujourd’hui, je regarde ces mêmes montagnes d’un autre œil. Je sais qu’elles resteront au loin. Innaccessibles. Que certains chemins me resteront innaccessibles. Il faut avoir du souffle et des mollets pour gravir des montagnes et atteindre des sommets.
Ce n’est pas de la colère. Ce n’est pas de la résignation. Ce n'est même pas de la tristesse, alors que mon black dog à moi me lèche le mollet pendant que j'écrit ce billet. C’est une forme de lucidité un peu amère, mais tranquille. Nous avons le même age avec mon copain Julien Aubert qui part à l'assault d'Avignon. Et qui devenait député quand j'étais élu à Roquemaure et vice président de la communauté de communes. Et je le vois avec toujours cette même envie, cette gentillesse et cette force, que je n'ai plus.
Et si je parle d'age, le Président à deux mois de moins que moi... (même promotion de l'ENA que Julien).
"Place aux jeunex" dit on. Place à d'autres plutôt. J'ai l'impression d'avoir fait mon temps.
Jeune, je m'imaginais au moins député. Aujourd'hui, je me dis "quel bonheur de ne pas à prendre le TGV pour être dans ce bordel qu'est l'Assemblée Nationale jusqu'à bien plus tard que minuit !". Je m'imaginais ministre, mais à quoi bon alors que sur le seul poste à un peu de responsabilité que j'ai eu au boulot, j'ai fini au service médical.
Et puis je n'ai plus envie. Je regarde grandir mes enfants. Je regarde mon épouse qui sera peut être l'heroine de la suite de l'histoire. C'est comme ça.
Un jour, un ami m'a dit que je n'avais pas l'ame d'un leader, et que je n'étais pas charismatique (une amie d'enfance m'avait en riant "tu sais que t'es pas canon", oui je sais mais j'espérais... Par contre cette phrase peut être le titre d'un livre). D'ailleurs, mon profil PCM a moins de 5% de rouge...
Par contre, je suis un bon numéro 2. Commentateur, observateur, conseiller, écoute.
À mes côtés, le chien noir, mon black dog, me suit. Il est là depuis longtemps. Je ne cherche plus à le chasser. Je le caresse, presque avec tendresse. Parce qu’il fait partie du voyage, lui aussi.
Cette année, j'aurais laissé mon mandat de délégué syndical. La perte de mon ami de promotion en février m'a montré que tout à une fin, et pourtant il est monté haut, lui. Pas que dans le ciel. Je resterai quelqu'un de moyen. Ca fait mal de l'écrire, mais c'est comme ça et l'accepter c'est déjà bien.
Ce que je fais de mieux aujourd'hui, c'est de faire grandir des talents. Mes enfants, mon épouse, les jeunes à qui je donne des cours (avec un style que d'autres profs n'ont pas) et que je prends en stage. Je ne serai jamais chef, je n'aurais jamais la légion d'honneur. Par contre, j'aurais aidé des gens à atteindre leur sommet.
Peut-être que vieillir, c’est ça. Ne plus croire que tous les sommets nous attendent, mais continuer malgré tout, même quand on ne brille pas. Et reste fidèle à ceux qu'on aime et à ce qu'on croit. Même si le retour n'est pas toujours à la hauteur.
En attendant, je caresse le black dog devant mes anciennes montagnes. Et puis on a beau être fatigué ou débsabusé, il faut bien continuer le combat…