mardi 24 janvier 2023

Travailler mieux

Dans une de mes discussions avec Nicolas, j’avais mis en avant une notion flou mais que j’aime bien. On parle beaucoup du « travailler plus » (qui me met mal à l’aise, et souvent défendu par mon camps politique) ou du « travailler moins » (parfois évoqué de manière caricaturale, Sandrine Rousseau ou un jeune sur CNews qui disait que travailler ne servait à rien). Des visions de société différentes. 

Le « travailler plus » me rappelle ce que Eric Berne défini dans le « fais des efforts ». Le « travailler moins », à l’extrême le « travailler plus du tout », est une ode à la paresse. Mais qui veut dire que le « fais toi plaisir » sera financé par d’autres.


Y a un an j’ai vécu l’enfer au travail. « Travailler mieux » est en effet une notion flou. Mais le débat sur les retraites est avant tout un débat sur la « valeur travail ». Si on peut la considérer comme « valeur ». Je pense que c’est une obligation car on ne peut pas vivre de manière autonome sans quelques efforts. Mais le travail ne doit pas être un enfer. L’entreprise ne doit pas être cette « comédie inhumaine » qui avait fait l’objet d’un livre remarquable.

 

Le « travailler mieux » impose déjà de se connaitre. Et de connaitre, et accepter ses besoins. Certains ont besoin du travail pour se sentir utile, vivant, bien. Ils sont respectables. Mais ils doivent aussi comprendre que pour d’autre, le travail n’est pas un but mais un moyen. Un moyen pour vitre, pour être autonome. Adapter ses exigences vis-à-vis des autres. Le perfectionniste qui veut que tout le monde soit parfait, vive et dorme « travail », va être un problème pour lui et les autres.

Le « travailler mieux » implique de fait le « travailler ensemble ». Et accepter l’autre. Je parle souvent du process PCM qui permet de se connaitre. J’ai connu un enfer car j’avais un besoin de solitude et une envie que tout « ne soit pas grave » dans le travail, et j’avais une N+2 pour qui le travail c’est la vie, pour qui tout était grave et urgent, et qui m’en demandait toujours plus. La couleur rouge du PCM, l’action. Alors que j’étais marron jaune. Ça n’a pas marché. Et cette N+2 continue à mettre des gens en arrêt de travail.

 

Le management est un point essentiel du « travailler mieux ». Nous ne pouvons plus avoir le management d’il y a trente ans. Le management directif, par la terreur, cela ne peut plus marcher. Cela ne doit plus exister. Si les syndicats ont un combat à mener, c’est bien celui-là. 

Venir au travail la boule au ventre, avoir envie que la voiture loupe un virage, combien de fois n’ai-je entendu ces témoignages ? Ils existent. J’avais lu deux ouvrages co-écrit par des sociologues et des experts du cabinet Technologia « Idées reçues sur le Burn-Out » et « idées reçues sur le suicide ».

Le « manager toxique » est également une notion particulière. Mais il existe. Le lien donne des définitions intéressantes sur le management toxique. Mais prenons « toxique » au sens littéral du terme : « qui agit comme un poison ». On peut le voir aussi comme « qui te prend ton énergie, ton oxygène, pour te rendre du dioxyde de Carbonne ». Un jour, en me parlant de son lieu de travail, la personne me disait « j’ai l’impression de travailler dans un garage où un camion benne a tourné à vide toute la nuit… ». Un endroit toxique, nous sommes loin du « travailler mieux ».

J'ai connu des managers qui étaient des jardiniers. Ils faisaient éclore les belles fleurs, ils faisaient grandir des beaux raisins et ont terminé par produire des magnifiques vins. Tout le monde était gagnant. 

 

« Travailler mieux », c’est travailler en ayant l’impression d’être utile. C’est un point personnel, mais je suis convaincu qu’un travail sans sens n’a aucun sens. C’est aux managers et à la direction de donner un sens au travail du salarié. Pour celui qui est à son compte, trouver du sens à ce qu’il fait est important.

Cela rejoint une notion qui est arrivée y a quelques temps. « essentiel » vs « non essentiel ». Travail « télétravaillable » ou « non télétravaillable ». Quelque part, il a été induit une « importance » de l’utilité de tel ou tel travailleur. C’est particulier.
Le peu de temps où j’ai été manager, donner du sens à mes équipes était essentiel. Je pense même que c’était ma tache principale. Un manager n’est pas un « happyness manager », il n’est pas là pour rendre son équipe heureuse et organiser des "afterwork" et des parties de baby-foot. Mais déjà, et c’est la loi, il doit « rendre le salarié dans un état au moins aussi bon qu’il a reçu ». Ne pas dégrader sa santé. Il doit atteindre des objectifs, et entrainer derrière lui ses équipes. Certains sont charismatiques, d’autres le font par des coups de fouets. J’essayais de le faire en expliquant. Convaincre non, mais expliquer, donner du sens.

Là encore, combien de fois n’ai-je entendu des « ça ne sert à rien ce que je fais… ». Vivre et avoir le sentiment de ne servir à rien.

 

Le « travailler mieux » est sans doute un mix de tout ça. J’avais écrit sur les 4 accords Toltèques, déjà ne pas prendre les choses trop à cœur (personnellement) et pour soi, faire de son mieux en acceptant de ne pas être parfait, ça peut aller vers le « travailler mieux ».

Mais aujourd’hui, à l’heure de la démission silencieuse, pour beaucoup le travail est un moyen et non un but. Déjà accepter cela. Ce n’est pas remettre en cause la « valeur travail ». Au contraire.

 

Je pense que je reprendrai ce billet. Je le pose là en première émission. Mais j’ai envie de discuter sur le « travailler mieux ». Et d'améliorer ce texte. Je suis convaincu que la réforme des retraites n'est rien face à ce défi de revoir le travail. De le repenser. 

Pour conclure, j’ai une dernière définition du « travailler mieux ». Je parlais plus haut de connaitre ses besoins. Mais savoir travailler aussi en mettant une contrainte principale : quelles sont nos priorités personnelles. Ce soir, on me convoque à deux jours à Paris jeudi et vendredi 17 février. C’est le soir de mes vacances et des vacances de nos amis parisiens. Donc non, je n’irai pas. Ma priorité n’est pas le travail mais ma vie personnelle. Et c’est très bien comme ça.

8 commentaires:

  1. Quel billet !

    Ce que tu appelles le « travailler mieux » est un vrai sujet mais il faut être précis. Par exemple, mon job n’est pas intéressant depuis quelques mois mais ce sont les aléas. Par contre je garde toute la considération de ma hiérarchie.

    Nicolas J

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    1. Merci Nicolas, j'y ai travaillé sur ce billet. Et il mérite d'être enrichi.

      Par exemple la notion que tu mets en avant est intéressante. Tu t'emmerdes mais ton job est vu comme capital par la hiérarchie, qui en plus visiblement te respectes.
      Je fais le professeur, mais est du "travailler mieux" puisque toi tu ne le trouves pas intéressant ? Peut être est ce suffisant. Mais peut être trouverais tu plus à t'épanouir sur un autre poste.

      Etre précis est difficile. Je trouve que c'est diffus, en effet. Mais je pense que le sujet de réflexion est pertinent, au moment où on se pose la question de nous face au travail.

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    2. Je ne suis pas pour m’épanouir mais pour gagner de l’oseille. Évidemment, je pourrais avoir mieux cela dépend de la conjoncture, de la boîte…

      L’important est de ne pas « travailler pire », de ne pas avoir le stress, la pression, l’absence de considération… 

      Par ailleurs, il faut assumer ses propres limites. Par exemple, dans mon domaine, je ne suis pas fait pour le management ou la gestion de projet. J’ai d’ailleurs officiellement un poste « d’expert ». J’ai des compétences et j’en acquière facilement des nouvelles ce qui me permet de bien aider les collègues, de faire le boulot de 10 jours en 10 minutes (j’abuse…) et de dépatouiller des nouveaux projets rapidement. Tiens ! Cette après-midi, je suis invité par mon chef à une réunion parce qu’il n’a pas mon répondant. C’est mon kif. Mais la réunion va durer une heure.

      Ça ne remplit pas les journées.

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    3. Ta première phrase est parfaitement dans l'air du temps. Un jour que je faisais un entretien pour le recrutement, la personne, jeune, me sortait le truc sortie d'école. "Je veux m'épanouir...". Et j'ai joué le réaliste, en lui rappelant que nos métiers sont d'abord un gagne pain. Et que personnellement, j'avais suffisamment entendu ce genre de connerie, donc quelles sont tes vraies aspirations.

      Je l'ai recruté le gars car après il a été franc. Il m'en parle souvent.

      J'aime ton "ne pas "travailler pire"", c'est aussi une bonne notion.

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  2. Pour compléter votre réflexion, je me permets d'ajouter quelques chiffres.
    Sous plusieurs aspects, les conditions de travail se sont plutôt dégradées ces dernières décennies, surtout au bas de l'échelle. D'aprés une étude de la DARES de 2017 sur la période de 1984 à 2016:
    https://dares.travail-emploi.gouv.fr/sites/default/files/pdf/2017-082v3.pdf
    1) la part des salariés soumis à au moins 3 contraintes de rythme est passée de 6% à 35%. Dans le détail: + 20 points pour les cadres, + 30 points pour les professions intermédiaires, + 27 points pour les employés (commerce et services), +45 points pour les ouvriers qualifiés.
    2) la part des salariés subissants au moins 3 contraintes physiques sur leur poste a grimpé de 12% à 34%. Dans le détail: + 4 points pour les cadres, + 19 points pour les professions intermédiaires, +34 points pour les employés du commerce et des services, +42 points pour les ouvriers qualifiés.
    (ce rapport est cité dans le livre de Benjamin Brice, La sobriété gagnante)
    Gérard Bladié.

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    1. Merci Gérard c'est intéressant. Je viens regarder le lien, y a des éléments intéressants.

      Y a une période qui m'intéresse, c'est la période 2017 - 2022. Globalement la période Macron - gilets jaunes - Covid, où les changements me paraissent avoir été intenses.

      Y a un truc aussi dont j'écrirai un billet sur le rapport au travail. Mais en 2000, dans une discussion avec un inconnu, la question "tu travailles dans quoi" arrivait au premier rang. Aujourd'hui, c'est 4eme ou 5eme (ça vient d'une formation que j'ai eu).

      Mais ce rapport sur les contraintes et les conditions de travail est très intéressant, merci de la contribution

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    2. Bravo pour le billet ! Un tout petit commentaire aussi : concernant les personnes que l'on juge comme essentielles (notamment pendant le covid) : leur salaire de misère est parfois juste indigne... si l'on considère leur travail comme essentiel, alors accordons leur un salaire décent. La sortie du président de l'UMIH (hôtellerie et restauration) avant le covid qui disait : régularisons les sans-papiers qui apporteront la main d'oeuvre dont nous manquons dans les hôtels et les restaurants (et qui ne disait pas : comme ça on pourra les payer le moins possible...) m'est toujours restée en travers de la gorge : si vous avez besoin de salariés, payez les correctement et vous les aurez... La notion de travailler mieux ne peut pas à mon avis être totalement indépendante de la notion de salaire décent. ;o) @+ Nap

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    3. Nap, sur l'indécence des salaires tu as totalement raison ! La décence du salaire en fonction du travail. C'est totalement vrai et c'est un point que j'ai occulté (involontairement) dans ma démonstration.

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