lundi 26 mai 2025

Séminaire professionel : Pas trop fort, ni trop vite, ni trop vrai...

Une semaine de relâche après une autre, bien plus rude. Un mélange entre repos et travail, où le mot “repos” veut surtout dire “tenter de calmer un dos douloureux”. L’ostéopathe a fait ce qu’il a pu, mais la douleur reste tapie. Le travail dans le jardin, lui, a eu son double effet Kiss Cool : un lumbago carabiné… et une allergie persistante qui m’épuise.
Point positif, j'ai dévoré le dernier Bernard Minier (H), dont je conseille grandement la lecture (mais faut avoir lu les premier Servaz, un commandant attachant, et un livre en tous points surprenants). Et j'ai découvert qu'en plus être un mec bien, Joseph Macé-Scaron dont j'avais adoré "la surprise du chef" excellente dans le thriller. Sa falaise des suicidés ouvre une trilogie avec deux personnages attachants, j'ai attaqué le deuxième. 

Côté sorties, un peu de lumière : Nîmes-PSG en handball, en famille. Une ambiance formidable, un sport superbe, et une défaite d’un petit point à la dernière minute. Frustrant, mais quelle intensité. Et que le hand est sympa. 

Et puis, il y a eu le travail... Ou plutôt, ces quelques instants arrachés à la semaine, et concentrés dans ce que l’on appelle joliment : un “séminaire de cohésion d’équipe”. Mascarade, tant le collectif va aussi bien que le sens au travail, la charge et le management sont délirants. Et il fallait bien que je retombe dans le piège.

On m’a demandé d’évaluer “mon niveau de piment” — je l’ai mis au maximum. On nous disait vouloir régler les tensions, alors j’ai cru naïvement que c’était le moment de parler vrai. D’aborder les problèmes. Pas pour accuser, mais pour comprendre, réparer, progresser. J’ai toujours cette idée que les mots soignent quand ils ne sont pas des armes.
Mais l’exercice était faussé dès le départ. Parce qu’ici, comme dans tant d’endroits, exprimer un désaccord, soulever une difficulté, c’est forcément être “en souffrance”. Et le boomerang n’a pas tardé : le coach est venu me voir à la fin, l’air compatissant et les mots cinglants “Ta chef s’inquiète pour toi.

La vieille ficelle. Qui consiste à psychologiser le moindre désaccord pour le neutraliser. On ne répond pas à ce que vous dites. On s’inquiète pour vous. Surtout quand vous être prétendument "hypersensible", la tarte à la fraise. 

Ce qui, d’un coup, retire toute force à votre parole. Elle n’est plus politique ou collective : elle devient intime, suspecte. Et voilà comment on transforme une tentative de contribution en signalement de faiblesse.
Et ça marche. Parce que, oui, ça fait mal. Et mon dos, peut-être, en porte la trace.

J’en ai 47 ans. 23 ans d’expérience professionnelle. 15 ans d’élu local. 10 ans de délégué sympa. Mais je tombe toujours dans le panneau. Je me dis que je peux apporter ma pierre à l’édifice, être une voix constructive. Mais le collectif, en réalité, ne m’a rien demandé. Et en sortant du rang, je deviens un problème.

Le piège, c’est de croire que ces séminaires sont faits pour régler les choses. “On va se dire les tensions ? D’accord. J’y vais.” Mais non. L’invitation est une vitrine. Il y a la charte des valeurs que l'on affiche (des mot comme transparence, authenticité, bienveillance...) Derrière, les règles implicites sont claires : "Pas trop fort. Pas trop vrai. Pas trop vite". Et surtout : pas de vagues.

Alors, si vous dérangez l’équilibre — entre hypocrisie bienveillante et confort hiérarchique — vous êtes vite recadré. En douceur. En silence. Avec des regards. Et l'étiquette : “en souffrance”.

Ce qui me gonfle, c’est de me dire que je ne tirerai jamais la leçon. Que j’espère encore. Que je crois encore au collectif, à la parole, à l’intelligence partagée.

Mais j’ai une semaine de vacances. Des livres à lire. Une piscine à remplir.
Pensons à ça. Et pas encore à l’été, qui s’annonce, lui non plus, pas de tout repos.

6 commentaires:

  1. "Ce qui me gonfle, c’est de me dire que je ne tirerai jamais la leçon. Que j’espère encore. Que je crois encore au collectif, à la parole, à l’intelligence partagée."

    Le problème de ceux de ta génération, c’est d’avoir connu des parents amis ou autres qui ont réellement vécu une époque où l’encadrement atteignait un niveau incomparable. Où la direction
    était formée par des patrons exceptionnels ; qui a connu Marcel Dassault, Octave Gélinier, et tant d’autres, savent de quoi je parle.
    Aujourd’hui il faut absolument, pour rester clair dans sa tête, savoir répondre raisonnablement aux demandes, collaborer, mais ne pas s’impliquer plus que de raison. Pour une seule raison : il ne faut pas que l’intérêt que tu portes au sujet vienne heurter l’intérêt de ton interlocuteur.
    J’espère ne pas être confuse.
    Hélène

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    1. Salut Hélène, tu ne l'es pas confuse, c'est très clair. Les grands managers que j'ai eu n'avaient pas recours à des coachs et savaient écouter.

      Aujourd'hui, je suis dans une grande structure qui n'a plus de tête, et dont les personnes en responsabilités ne pensent qu'à leur siège. La charte de valeur affichée dans le hall prend la poussière, la pauvre

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  2. Je connais ce genre de séminaire, hélàs. Au mieux, c'est un cache-misère et au pire, comme tu le décris, un outil redoutable utilisé pour identifier les "dissidents". J'ai la chance d'avoir pu quitter le monde du travail bien avant l'âge de la retraite, et je sais que c'est un luxe que tout le monde ne peut pas se permettre. Courage, et prends soin de toi.

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    1. Le luxe de pouvoir choisir est un luxe, celui d'être aligné avoir soit même, quitte à prendre le boomerang, est un autre luxe.
      Je recommence à avoir peut être envie de faire autre chose... Les ponts de Mai sont redoutables pour ça...

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  3. Ca me fait penser que j'ai un séminaire bientôt... J'avais oublié de m'inscrire, je me suis fait engueuler. Deux fois, en plus ! La première fois, j'avais oublié et je me suis inscrit en retard, la seconde n'a pas été prise en compte... Des trucs faussement facultatifs. L'horreur.

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  4. Truc faussement facultatif... Ca me gonfle cette hypocrisie professionnelle. On pourrait en écrire un livre...

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