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mardi 9 décembre 2025

Manager : quatre mois pour cramer

Je lis ça, et je me dis : tiens, j’ai déjà vécu cette musique.

J’ai eu ma période managériale. 2 ans et demi. Pas long, mais suffisamment pour laisser des traces. Et clairement : ce n’est pas la période que je garde comme le meilleur de ma carrière...

Le contexte compte.
Une personne proche devenait chef de service. Il m’a demandé de le suivre, de prendre un poste de chef de groupe (manager de proximité) pour le seconder. Dans un métier qui n’était pas le mien. L’équipe était top, mais leur métier… je ne le maîtrisais pas. Et un manager n’a pas besoin d’être expert, mais quand même : ça limite.

Je suis devenu manager un mois avant le Covid, après réorganisation d'ampleur historique. 
Entretiens par Skype, appels aux agents confinés, décisions qui changeaient chaque semaine… ambiance particulière, et inédite. Rappelons nous le Covid.

Et je n'étais pas seulement manager :
– j’avais encore mes objectifs opérationnels,
– j’étais délégué syndical et élu
– et tout ça en pleine crise sanitaire.

Ajoutons une chef de département au management… disons abrasif. Mon N+1 a tenu quatre mois avant de claquer la porte. Il nous en a voulu à tous : à moi, à mon collègue chef de groupe (toujours un copain), et même à sa plante verte.
Notre cheffe, en un an, avait fait partir ses trois chefs de service. Puis ça a été le tour des chefs de groupe.
Ma tête est tombée un soir de décembre 2021, après une engueulade homérique (ne pas écrire de mails à sa chef après 20h30...).
Et ma respiration est revenue en mars 2022, quand j’ai accepté de sortir du poste. Juin 2022 : nouveau poste, nouveau souffle. Enfin.

(je passe l'automne, avec deux zonas, le corps qui se réveille et décompresse)

On nous vend le management comme un « passage naturel » : tu fais bien ton boulot → tu deviens manager. La loi de Peter appliquée plein gaz sans aucune retenue...


Sauf qu’en 2025, un manager, ce n’est pas seulement quelqu’un qui « accompagne une équipe ».
C’est quelqu’un qui doit :
  • faire du reporting en mode gavage de foie gras
  • appliquer des décisions absurdes
  • subir des injonctions contradictoires
  • gérer la frustration du haut, du bas et des côtés
  • rester exemplaire quand lui-même craque
  • et servir de fusible général quand ça merde..

Comment ne pas comprendre les jeunes qui disent : « non merci » ?
Parce qu’un rôle qui te promet stress, solitude et désalignement permanent… ça n’attire plus. Du sang et des larmes ça fait rêver moyen.  
Et ce n’est pas une question de génération fragile. C’est une question de système qui tourne à vide. Sans sens. La "valeur travail" avec le driver "fait des efforts" et "sois fort", ça ne marche plus

Dans mon cas, j’ai vite compris que ça allait bouffer quelque chose d’essentiel en moi. Et je ne parle pas de compétences. Je parle de la capacité d’être soi-même. De penser, d’enseigner, de créer, de respirer. 

Manager, ça m’a appris beaucoup de choses. Mais ça m’a surtout confirmé une intuition : je préfère mille fois travailler avec les gens. Gérer les personnes ne me pose pas problème. Mais c'est être le ressort entre le haut et le bas que je n'ai pas supporté. 
Le rôle existe toujours, mais l’armature a disparu.

Alors oui, ce billet pourrait être un éloge du management. Il n’en sera rien. Ce rôle ne peut attirer que si on lui redonne du sens, du temps et du soutien.

Et ça, pour l’instant… on en est loin.