jeudi 3 septembre 2009

Jouons écologiquement avec les mots

La langue politique est parfois amusante et crispante à la fois.
Le grand écart linguistique du moment c’est de savoir s’il faut utiliser le joli « contribution climat énergie », ou l’étouffant « Taxe Carbone », pour définir le truc français magique qui fera que youpi la planète elle est sauvée.

Les membres du gouvernement, bons élèves, n’utilisent que « Contribution Climat Energie ». On leur répond que c’est un taxe, mais non non non non non font ils en remuant leur index. C’est une « Contribution Climat Energie ». Ah bon. D’accord.
Ceux qui, comme moi, émettent certaines réserves (litote), emploient beaucoup plus volontiers le terme de « taxe carbone ». Nous parlons bien de la même chose. Mais c’est vrai que le mot « taxe », pour quelqu’un qui « n’a pas été élu pour augmenter les impôts », c’est désagréable.

D’ailleurs, c’est quoi la différence entre « taxe » et « impôt » ? Ben oui, Nicolas Sarkozy clame qu’il n’a pas été élu pour augmenter les impôts, mais il multiplie les taxes comme un de nos illustres ancêtres les petits pains. Je suis allé sur le Larousse, et voilà ce qu’il en dit le bon Larousse (Robert n’était pas là, il est parti boire un café).
Taxe : Prélèvement à caractère fiscal, destiné à alimenter la trésorerie de l'État, d'une collectivité locale ou d'un établissement public administratif en contrepartie d'un service rendu aux administrés.
Impôt : Prélèvement effectué d'autorité et à titre définitif sur les ressources ou sur les biens des individus ou des collectivités, et payé en argent pour subvenir aux dépenses d'intérêt général de l'État ou des collectivités locales.
Alors ceux sont tous deux des prélèvements. Qui vont généralement dans les mêmes poches. Mais l’un est « prélevé avec autorité et à titre définitif ». L’autre pas.
Bon, je l’avoue, je ne suis pas très malin. Une différence, il y en a une surement. De taille même. Mais pour le petit français vraiment méga de base que je suis, je n’en vois pas tant que ça. Sinon que mes petits sous iront quand même dans les caisses de l’état ou des collectivités territoriales, de manière autoritaire ou pas.

Reprenons la phrase de Nicolas Sarkozy : « je n’ai pas été élu pour augmenter les prélèvements effectués avec autorités et à caractère définitif, par contre je n’ai rien dit sur les autres, de prélèvements ». La phrase est plus lourde, moins belle à l’oreille. Mais je la trouve plus juste…

Jouons avec les mots, et revenons à notre Contribution Carbone, ou Taxe Climat Energie...
C’est François Fillon qui le dit : « la taxe carbone contribution climat énergie n’entrainera pas de hausse des prélèvements obligatoires ». Ahhhh… Pas de hausse des prélèvements effectués avec autorité et de manière définitive alors, très bien. Mais les autres, de prélèvements ?
C’est vrai qu’on ne me met pas le flingue sur la tempe pour me chauffer ou faire le plein de ma voiture (donc ce n’est pas un impôt). Par contre, si je veux avoir un peu pas trop froid, et aller travailler, je n’ai guère le choix. Mais d’accord, ce n’est pas un « prélèvement obligatoire effectué avec autorité ». Jouons avec les mots.

Je suis mauvaise langue. Je parle de choix, et de ceux qui ne l’ont pas. J’imagine que les habitants en zone rurale montagneuse par exemple, qui n’ont guère le choix de se chauffer et de prendre leur voiture pour se déplacer, la Taxe Carbone sera plus lourde. Au fin fond des Alpes, le Métro n’est pas très rependu, n'en déplaise à l'admirable porte parole de l'UMP. Et quand il neige dehors, il fait généralement plus froid qu’au centre des villes… Ajoutons que les très écologiques éoliennes et les panneaux solaires sont beaucoup moins efficaces en temps gris et avec de la neige dessus.
François Fillon pense à eux. Je l’aime bien, moi, François Fillon. Il dit : « Pour nos concitoyens les plus défavorisés, des inactifs et des habitants des territoires ruraux, nous étudions en outre des mesures financières d'accompagnement. Il est hors de question d'appliquer uniformément ce dispositif à des Français qui ont le choix et à d'autres qui ne l'ont pas ». Chic.
Et comment ça va s’appliquer ? Allo, allo… ? Mince, ça a coupé…

Enfin, nous n’avons pas fini de parler de cette taxe, ou contribution, ou je ne sais quoi d’autre. Par contre, j’ai l’impression qu’au final, sur ce prétexte de sauver la planète en taxant de l’essence déjà méga taxé, ben impôt ou pas, c’est « nous qui paierons » quand même.
Qu’on nous prenne pour des idiots ? Je ne sais pas. Mais si on emploi pas les véritables termes, et si on veut nous convaincre que cette belle usine à gaz n’est en fait qu’un champ de jonquille, on se moque de nous.
Remettons le débat en place en utilisant les vrais mots. Ca sera tellement mieux pour tout le monde…

A lire aussi : un dessin sur le bioéthanol chez Bof, et l’avis du lyonnais Romain Blachier sur la Taxe Carbone.

9 commentaires:

  1. J'ai relevé ce matin un billet qui relaie les propos de J Michel Apathie. J'ai souris mais j'aurais pas du.

    Prime à la casse v. taxe carbone

    RépondreSupprimer
  2. Je vois personnellement un gros point commun entre les deux appellations, "taxe carbone"é et l'autre : c'est qu'aucune n'est en français ! J'en ai assez de cette manie pitoyable qui consiste à supprimer tout ce qui peut ressembler à un article, une conjonction, etc.

    On ne peut pas penser intelligemment, ni même penser tout court, lorsqu'on s'exprime dans des bouillies pareilles, et il est navrant que ce soit nos "élites" (mouarf !) qui donnent ce triste exemple d'avachissement mental.

    RépondreSupprimer
  3. Ce discours de François Fillon choque à plus d'un titre, notamment sur l'affectation de cette nouvelle taxe. Tiens, je vais en faire un court billet...

    RépondreSupprimer
  4. Il serait fort intéressant de se procurer les chiffres relatives à la pression fiscale en France sur les classes moyennes.
    Le taux de prélèvements obligatoires doit être disponible quelque part... ;)

    RépondreSupprimer
  5. Dans tous les cas c'est de la nov-langue et comme tu le précises , cette gabelle ne sauvera pas la planète ni le budget de la France !

    @ +

    RépondreSupprimer
  6. Que diable, le gouvernement a raison ! La CCE n'est pas une taxe.

    Elle n'est pas payée en contrepartie d'un service fourni aux administrées.

    Elle est juste un impôt.

    è_é

    RépondreSupprimer
  7. Salut tous,

    Arf : Aphatie est loin de ne dire que des conneries, et je partage souvent son opinion en ce moment;

    Didier : c'est vrai... mais nos dirigeants aiment bien le slogan con et facile à comprendre... (soupir)

    Homer : tu as d'ailleurs réussi ton entreprise :)

    Nemo : je vais essayer de creuser ça aussi...

    Eric : enfin, quelque soit le langage, on s'en prendra encore une louche dans le fondement arrière...

    Claudio : bonne vision du truc :)))

    Bonne journée à tous

    RépondreSupprimer
  8. Eh oui Claudio...
    Juste un impôt...
    Comme la taxe d'habitation ou la TVA !

    RépondreSupprimer
  9. J'aime beaucoup ce billet.

    RépondreSupprimer

Bienvenue dans ma maison.

Ici, Le respect qui accompagne la critique et le débat est le bienvenu. Insulte ou attaque personnelle (sur moi ou autres) non. Et il est interdit de venir casser les couilles du taulier que je suis (et des autres commentateurs).

Anonymes, passe ton chemin.
Tu peux t'inscrire avec un compte Blogger ou en t'inscrivant à plein d'endroit... C'est bien de savoir avec qui on discute...