Pourquoi notre République parle-t-elle si volontiers de la
morale en gros et la respecte-t-elle si peu au détail ?
Comment ne pas être étonné en effet par la multitude des
dénonciations abstraites et par les transgressions concrètes qui viennent
contredire le bloc éthique et vertueux dont le principe nous est
quotidiennement asséné ?
Cette interrogation me semble centrale sauf à se satisfaire
d'un hiatus qui met la pureté verbale et de façade d'un côté et le plaisir, les
tentations, les accommodements de l'autre.
Le billet part de l’histoire de la finale de la Ligue des
Champions. Le voyage congrès du PS – Stade de Berlin, au frais de notre bon
état providence. L’assumation claire de la part du premier ministre de cet
acte. La défense assez mauvaise de la part de l’exécutif (« c’est pour
voir Michel Platini », « c’est ma passion pour le foot », « et
de toutes façons à droite ils ont fait pareil », etc…).
Karl Marx prétendait que la religion était l'opium du
peuple, le cœur d'un monde sans cœur. Il y a aussi un opium des pouvoirs. Ils
ont besoin de consolation.
Le voyage purement ludique du Premier ministre à Berlin, aux
frais de l'Etat, scandaleusement approuvé par le président de la République -
on se serre les coudes et les intérêts se protègent -, les dérives de Mathieu
Gallet et d'Agnès Saal, hier les affaires Cahuzac et Thévenoud, Stéphane
Richard qu'Orange légitime à proportion même de ses mises en examen, Nicolas
Sarkozy oubliant que maintenant il a à jouer le rôle du modeste, le CSA qui,
lui aussi, a envie d'une pincée d'arbitraire et de partialité, tout ce qui
prospère dans la périphérie des pouvoirs, tout ce qui gangrène les images des
institutions et des services publics - tout cela, à des degrés divers, relève
de la même tendance : on se détend dans l'illégitime, l'indécent ou le culte de
soi parce que, pour l'essentiel, on n'en peut plus !
Normalement non, on n’en peut plus. Surtout de voir que le
changement avec les anciennes pratiques et les anciennes méthodes, c’est pour
jamais.
L’exemple n’est donné par personne, à nulle part. Avec cet
argument que je trouve atroce : de l’autre côté ils font pareil. A l’époque
Vanneste répondait à Frêche. Aujourd’hui la passion du sport de Valls répond à
la passion des cigares de Blanc. Passions financés par nos impôts : les
miens ont bien progressé depuis trois ans…
Nous ne progresserons jamais.
Je trouve que cette polémique est plus qu’une simple
polémique. Mais je sais qu’elle sera balayée demain par une autre. Parce que l’information
va vite, et qu’on oublie la polémique d’il y a trois semaines pour se projeter
sur la prochaine.
Rolland Cayrol disait hier dans « C’est dans l’Air »
que les militants socialistes étaient gênés à Poitiers quand ils ont su que
leur premier ministre partait en avion d’état à Berlin pour applaudir
Barcelone. Aujourd’hui ils ressortent des vieilles histoires sous Chirac et
Sarkozy. Et demain, le militant de droite ressortira Cahuzac et l’avion de
Valls pour défendre les conneries de leurs camps.
Nous ne progresserons jamais.
Notre démocratie est malade. La politique par l’outrance et
l’invective publique portée par un Mélenchon a fait des émules. Sarkozy,
Cambadelis, UMP ou socialistes, gouvernement ou opposition, les discours sont
violents, clivants, tirent l’ensemble vers le bas. Nous ne progressons pas.
La finale était belle. Barcelone est un beau champion, la
Juventus était un beau finaliste. Mais chez nous, notre politique est à l’image
de notre football français. Malade.
Progresserons nous un jour ?
Edit 18h : Finalement Michel Platini arrive à la rescousse de la morale tout ça. Il confirme que c'est lui qui a invité Manuel Valls, pour une réunion sur l'Euro. Il aurait pu réagir plus vite, et la majorité aurait pu accorder ses violons pour défendre son premier ministre et sa "passion" du sport.
Je me demande si tout ceci est bien crédible, mais bon la crédibilité, est ce important après tout ? (demain on aura oublié...)