Vendredi vers 12h40, je commençais ma sieste. Le téléphone sonnait, une sonnerie d'un ami proche (j'ai plusieurs sonneries pour les gens). Je pensais que cet ami du collège voulait nous inviter à manger ce weekend. J'ai continué la sieste. 13h30, j'ai vu qu'il avait laissé un message, mais je n'ai pas écouté et l'ai appelé.
Là, il avait la voix tremblante. Je restais "son petit Fafa", mais derrière, quand je lui ai dit ça ne va pas, il s'est effondré pour me dire "non, mon papa vient de mourir ce matin...".
Son père, un menhir, un modèle, que j'avais vu y a 15 jours à la boulangerie avec toujours son sourire amical et ses yeux coquins, qui me demandait les petits et tout, venait de mourir. Subitement...
Nous avions, au collège, un groupe magnifique et soudé. De cette 4eme et 3eme de notre groupe, il y a une personne que je ne vois plus. Mais que je refuserai de voir. Par contre les autres sont toujours mes amis. On se voit toujours. Je suis revenu habité à Roquemaure. Là où j'ai fait mon collège. Cet ami qui a perdu son papa est prof de math justement au collège de Roquemaure, notre collège.
Il habitait en face du collège. C'est dire que son père je le connaissais par coeur, puisque quand nous n'avions pas cours, c'est là bas qu'on allait.
Puis nous avons continué à nous voir. Faire du vélo ensemble. Le Mont Ventoux... Non, jamais en montée, mais mon ami, son frère et son papa m'ont initié au VTT. Le Ventoux, je l'ai descendu avec un VTT de compétition, je me souviens de pointes de vitesse dont le chiffre écrit sur le compteur me rend malade après coup. Nous mangions ensuite aux demoiselles coiffées. Les cousines de mon ami était jeune. Je me souviens d'une qui me mettait du sable sur le ventre, j'avais 10 ans de plus qu'elle mais était une enfant. Ses nièces à mon ami, elles ont passé leurs enfances chez moi.
A un moment, la belle soeur de mon ami a été sur une liste municipale en face. Mais ça n'a rien changé. C'était le mandat où nous avions explosé les compteurs.
Il y a une chanson de Michel Sardou qui s'appelle "parce que c'était moi parce que c'était lui" et qui parle d'une amitié de deux personnes qui n'ont rien à voir. Le père de mon ami était membre éminent du parti communiste, et chef de file pendant un moment de la CGT locale. Et pourtant, il n'a jamais été avare de conseils et d'amitiés pour moi.
C'était un homme drôle. Un souvenir. J'avais peur un soir de rencontre "parents - prof " au collège, un prof m'impressionnait (pourtant j'étais bon élève). Il m'a pris, le père de mon ami, et il m'a dit "Ecoute Fafa, quand quelqu'un t'impressionne, imagine le en train de caguer". Une leçon de vie...
Pour ses 50 ans de mariage, j'avais, avec les copains, prévu un sketch con. C'était la CGT Corse. On avait éteint les lumières de la salle et j'ai pris le micro en faisant l'accent et en disant qu'on était pas content et que c'était une revendication. Quand la lumière s'est rallumé, nous étions en cagoule (enfin, chaussette, tout ça...). Et pour cet homme, pour la seule fois de ma vie, j'ai chanté l’Internationale. Enfin, nous l'avons fait en polyphonie corse, c'est particulier. C'est con.
Il m'a avoué que "les ballons rouges" était une de ses chansons préférées. Tu m'étonnes, Serge Lama. Je ne lui ai pas chanté mais je l'ai récité, comme on récite un poème. Les chansons de Lama sont des poèmes.
Des souvenirs j'en ai à la pelle.
J'aimais cet homme. Je sais qu'il m'a aimé aussi.
Je pense à son fils, à mon ami. A pleins de gens. Je suis malheureux. Aussi car je ne pourrais lui rendre ce dernier hommage, putain de règles de confinement à la con...
Il veillera sur nous. Il nous disait souvent qu'il voulait que ses cendres fassent parties du Mont Ventoux. Je le regarderai avec amour mon géant de Provence.
Nous t'aimions...
2020 est décidément une année de merde...