Dans
mon travail et ma vie personnelle, je plaisante sur beaucoup de choses. Il y a
des points sur lesquels j’ai du mal à plaisanter. La mort d’un enfant par
exemple, le petit Emile a fait raisonner cette fibre paternelle qu’il y a en
moi. Ca me glace.
D’autres
sujets me révoltent, le harcèlement par exemple, quand il est pratiqué par une
personne ayant un pouvoir. J’ai pris avec plaisanterie les attaques de
tribunes, et les leçons dispensés par des donneurs de leçons professionnels.
Qui seraient parfois inspirés de balayer devant leur porte : c’est con
quand on met garant du féminisme et que le numéro 2 du parti frappe sa femme,
ou qu’un psychanalyste star du camps du bien qui a donné de multiples leçons se
retrouve dans la broyeuse médiatique.
Il
est présumé innocent. Je lui accorde pas beaucoup d’affection à Gérard Miller.
Hier,
je parlais sérieusement à table au travail, cela m’arrive rarement. On parlait
du harcèlement, particulièrement sexuel. J’ai refusé de défendre, en tant que
délégué syndical, des authentiques connards qui étaient plus que lourds quand
les bornes des limites avaient été dépassées. J’ai été surpris de voir une
copine me raconter ce qu’elle a eu à vivre, et l’état dans lequel ça l’a mis.
Et le silence, rien n’est plus assourdissant que le silence.
Par
contre, j’ai parlé de ce que j’ai vécu avec une N+2 femme. Sur des propositions
de recrutement, elle me disait que « le petit mignon avec un beau cul mais
apparemment rien dans la tête, ça l’a branchait pas vu le boulot qu’il y a à
faire ». Plusieurs allusions comme ça. Un fait, tous les managers hommes de son département ont été dégagés, à un moment ou un autre. Elle n’est plus dans ma boite car
elle avait dépassé les bornes, et si le harcèlement n’était que cela là, cela
ne serait pas grave.
Les
anciennes victimes sont parfois les pires bourreaux.
Je
lisais le départ de Julien Bayou des Verts. Son tort principal : être un
homme. Et avoir été attaqué par des femmes, forcément de gauche et femmes donc
du camps du bien, sur des « il parait ». Serge Raffy a écrit un très
beau papier sur « l’homme
traqué », demandant « Quelle folie s’est emparée de la direction
d’EELV ? En lançant un appel à témoins contre Julien Bayou, piétinant l’État de
droit, ils se rapprochent des méthodes de l’Inquisition. »
Julien
Bayou a envoyé à un mail à la direction de son ancien parti qui demandait à ses
militant.e.s (on est à gauche, inclusif sur la forme, destructif sur le fond).
Mais
quand même je vais traduire en bon français un extrait
du mail, en enlevant cette écriture inclusive qui cache un dessein pas joli
joli.
« J'ai appris ce jour qu'un bureau
exécutif et qu'un conseil politique s'étaient tenus en urgence pour décider de
confier à un cabinet d'avocats spécialisés dans les violences sexuelles et
sexistes (VSS) une enquête externe me ciblant expressément. EELV s'apprête à
envoyer un courriel à plusieurs dizaines de milliers d'adhérents pour inviter
“toute personne concernée” par de prétendus comportements ou propos inadaptés
de ma part à témoigner contre moi.
Cet
acharnement à mon encontre est déloyal et scandaleux. Ce procédé, qui me
désigne comme coupable auprès de tous les adhérents, me discréditerait de
manière irréversible tant auprès de mes adversaires que de mes partenaires
politiques .
Marine
Tondelier, Cyrielle Chatelain, accepteriez-vous que des dizaines de milliers
d'adhérentes soient appelés expressément à fabriquer un dossier à charge contre
vous ? Vous prêteriez-vous de bonne grâce à ce jeu malsain ? Quelle serait
votre réaction à la lecture d'un e-mail commençant par “Chère adhérent, nous
enquêtons sur madame Tondelier/madame Chatelain, voulez-vous bien fouiller dans
votre mémoire pour retrouver le souvenir d'un propos ou comportement possiblement
imputable à madame Tondelier/madame Chatelain et contrevenant aux règles du
parti ?” ?
Ne
vous sentiriez-vous pas traquées ? Ne seriez-vous pas effrayées à l'idée d'une
violation inéluctable de votre vie privée ?
Le
courriel que vous vous apprêtez à rendre public constitue un appel pur et
simple à la délation, et portera nécessairement atteinte à ma probité, mon
honneur et ma considération. Il n'est pas question que je me prête à ce jeu
dégradant.
Instruit
du précédent fiasco de l'enquête interne, je n'ai aucune confiance dans la
capacité (le courage ?) de la direction comme de la présidente du groupe
d'accepter des conclusions qui me seraient favorables à l'issue d'une enquête
externe.
Pas
plus qu'elles n'oseront me reconnaître pleinement innocent une fois que la
justice se sera prononcée.»
J’ai
découvert y a peu que bien souvent les pires adversaires se trouvent dans notre
camp.
J’ai
connu un épisode douloureux dans ma vie, qui a duré 5 ans, où des rumeurs
avaient été lancées contre moi. Infondées. Mais salissez, il en restera quelque
chose. Mes plus proches ont douté de moi, et c’était ça le pire. J’ai été lavé
mais quelque part il reste chez moi de la honte, du ressentiment, de la
tristesse. Que des proches très proches aient été davantage dans le camp de la
délation que dans celle des faits. De mensonges qui n’avaient que ce but me salir.
Je pensais que c’était tellement gros que cela ne se verrait pas. Et pourtant…
Et
pourtant aujourd’hui, je défends des personnes qui, à un moment, ont douté et soutenu
de manière certes inconsciente, mais… Je suis chrétien, j’ai… Pardonné, je ne
sais pas, mais je suis passé à autre chose.
Politiquement
je serais un adversaire de Julien Bayou. Mais humainement, il a ma sympathie.
Les Robespierre d’aujourd’hui, qui hier pleuraient Robert Badinter mais
seraient les premier-e-s à mettre en route la guillotine ou la kalachnikov.
Nous
vivons une période assez laide…