Lu chez Didier,
cette excellente lettre du consternant Philippe Torreton, réécrite par l’écrivain
Christian
Combaz. Elle résume avec talent bien des choses que je ressens dans cette
histoire de fin d’année. Histoire qui met en scène tellement de belles valeurs
comme la tolérance, l’écoute de l’autre, le respect aussi. Bref tout ce qui
fait qu’on peut vivre ensemble, en s’insultant, en se traitant de minable, en
rivalisant de grossièreté et de petitesse en tous genres…
Enfin bon… Jolie lettre en tous cas. C’est le plus
important.
« Cher Gérard,« Un usurpateur ayant cru intelligent de t'adresser une lettre publique en mon nom, je voulais au contraire te remercier d'avoir, en quarante années de carrière, consenti à financer par tes impôts les myriades de comédiens qui se produisent trois mois par an dans des collèges de banlieue, dans des spectacles de rue, des productions à la noix financées par le conseil général du Puy-de-Dôme, des travaux en tout genre, sur le Corps, sur l'Autre, sur la notion de vivre ensemble, sur la ville, l'acteur et son double, le rapport au lieu, le rapport au temps, le rapport au rapport, enfin toutes ces sottises que débitent les comédiens quand ils parlent de ce qu'ils voudraient faire, alors que toi, tu n'as jamais ennuyé personne en expliquant ce que tu faisais. Tu as contribué à nous permettre de gagner un salaire toute l'année sur moins de six mois d'activité réelle, tu nous as divertis par des frasques somme toute moins sinistres que celles de Gainsbourg, tu es devenu l'emblème du pays partout dans le monde et tu m'as permis de passer pour un intellectuel en endossant, avec obligeance, à la place de mes amis du théâtre Français, et de tous les comédiens en général qui se prennent le chou, façon Arditi ou Giraudeau, la défroque de l'acteur à la Michel Simon, à la Galabru, qui tourne n'importe quoi pour payer ses impôts, tandis que nous, quand nous tournons, c'est pour dépenser ce que tu verses à l'État, en participant à des productions vouées à la trappe dès le mercredi midi. Alors, sois gentil, continue de verser tout cet argent, où le gouvernement, le ministre de la Culture et le théâtre subventionné puisent de quoi rendre hommage à Peter Brooks, en te tournant le dos avec dégoût le soir des Molières. Je connais quelqu'un au gouvernement qui t'aurait trouvé quelque chose pour payer un peu moins, mais essaie de payer quand même, pour le principe, comme ça, par solidarité avec les vrais acteurs qui te méprisent parce qu'ils ne peuvent pas s'en empêcher, allez montre-leur que tu es plus intelligent et reviens, avec le sourire, sans rancune, te faire insulter par ta vraie famille, celle du cinéma et du théâtre français.« Je reste, cher Gérard, ton obligéPhilippe »