vendredi 22 octobre 2010

Un bon président doit il être populaire ?

Ca fait longtemps que je n’ai pas été taggué. C’est Nicolas qui propose de réfléchir sur le sujet suivant : « Un bon président doit il être populaire ? ».

Question qui fait suite à la remarque twittée de Caréagit : « suivre l’avis du peuple, ça s’appelle de la démagogie, pas de la politique ». Phrase que je trouve assez peu opportune (voire prétentieuse), mais surtout fausse. Parce que la démagogie, ce n’est pas ça. Dixit Wikipédia :
La démagogie (du grec demos « le peuple » et ago : « conduire ») est une notion politique et rhétorique désignant l'état politique dans lequel les dirigeants mènent le peuple en s'attirant ses faveurs, notamment en utilisant un discours flatteur.

Le discours du démagogue sort du champ du rationnel pour s'adresser aux passions, aux frustrations du peuple. Il recourt en outre à la satisfaction immédiate des souhaits ou des attentes du public ciblé, sans recherche de l'intérêt général mais dans le but de s'attirer la sympathie et de gagner le soutien. (...)
Je coupe, la définition est plus longue. Mais la démagogie, ce n’est pas « suivre l’avis du peuple » pour reprendre la gazouillis initial. La démagogie, c’est conduire son action politique en agissant dans la seule volonté de s’attirer les faveurs du peuple via un discours flatteur et facile à comprendre et à être acceptée. Suivre les volontés du peuple, ce n’est pas de la démagogie. C’est de la politique.
A contrario, ne pas suivre l’avis du peuple dont on est issu, s’en moquer et n’en faire qu’à sa tête, ce n’est plus de la politique. Ce n’est pas comme hurlent certains de la dictature, mais c’est une erreur. Parce que l’élu n’est élu que via la volonté du peuple. Il ne tient sa légitimité que de lui. Certains peuvent se supposer plus intelligent que tout le monde et penser que le peuple est con : souhaitons qu’ils n’aient jamais à exercer le pouvoir…

Nicolas demande si « un bon président doit être populaire ». Du moment où il ne tient sa légitimité que du peuple, via l’élection présidentielle au suffrage universel direct (à laquelle je suis très attachée), je répondrai que oui.

Avec un bémol : un mandat présidentiel dure 5 ans (avant 7), et les courbes de popularité sont très fluctuantes : le peuple varie, change d’avis, d’opinion, assez fréquemment. Et comment mesure t’on réellement la popularité ? Aujourd’hui, certains affirment « le président n’est plus populaire, il doit démissionner ! » (pour voir à sa place leurs amis, mais c’est un autre débat…). Et comment le mesure-t-on vraiment ? En mesurant la taille des cortèges dans la rue ? En écoutant juste ceux qui pensent comme soi ? En regardant des courbes de sondage, que l’on sera les premiers à critiquer s’ils sont défavorables à ceux que l’on soutient ? Ce n’est pas facile à mesurer précisément, une popularité…

Un élu n’est que rarement populaire tout au long de son mandat. Mitterrand, Chirac, Jospin, ont connu des courbes diverses. Une élection parfois triomphante et porteuse de plein d’espoir. Des trous assez violents. Parfois des rebonds, et des nouvelles victoires populaires. Et la chute.
Les 48% qui n’ont pas voté pour le président feront tout pour le rendre « impopulaire », donc la popularité n’est que partielle. Lors des victoires électorales, on voit la joie de la moitié + quelques pourcents, mais pas la tristesse des autres…

Pour moi, la popularité ne se mesure qu’à l’aune du résultat des urnes. Et à a ce propos, Sarkozy a été en Mai 2007 davantage populaire que Royal. Donc il est davantage légitime. C'est simpliste. Cela changera peut être en 2012. Mais aujourd’hui, même si la grogne est importante, le président est encore président jusqu’à la fin de son mandat.
Et il reste, à mon sens, davantage « populaire » (ou légitime) qu’une tierce personne qui arriverait au pouvoir via le hurlement de la rue, hors du circuit normal de l’élection démocratique, qui vient du peuple, avec tous les défauts qui en découlent.


Ensuite, revenons au twitt : « suivre l’avis du peuple, ça s’appelle de la démagogie, pas de la politique ». C’est doublement faux. Mais est ce souhaitable, pour gouverner un pays, de ne « pas suivre l’avis du peuple » ? Il a refusé un traité constitutionnel européen, et 3 ans plus tard on lui impose quand même par la force : est ce « de la politique » ? Est-ce de la « démagogie » de respecter le souhait, en l’occurrence le vote, du peuple ? Et est ce mal, de respecter la volonté du peuple ? Je crois que l'inverse est davantage néfaste...
Je me méfie d’une chose : c’est de ceux qui se prétendent plus intelligent que la majorité. Si on suppose, de ce fait, que le peuple, ou les « gens », sont cons, dans ce cas pourquoi leur demander leurs avis ? Supprimons le droit de vote. Ou accordons le simplement à des gens qui seront jugés suffisamment « intelligent ». Et là encore sur quel critère seront t’ils considérés comme « intelligent », capable d’exercer leur droit de vote ?
Le peuple est imparfait. Ceux qui en sont issus le sont encore fatalement. Mais je préfère encore laisser le pouvoir au peuple, plutôt qu’à quelques uns se supposant plus intelligents… La démocratie populaire reste encore la meilleure des politiques...

Je ne sais pas si j’ai répondu à la question. Je la trouve finalement assez différente par rapport au twitt initial. D’un coté le terme « démagogie », que l’on ressort comme un totem à chaque fois qu’une opinion ne nous plait pas. D’autres sortent les accusations de populisme ou de fascisme remarquez… De l’autre la notion de popularité pour l’élu, ici le président. Et au milieu de tout ça, l’affirmation qui consisterait à penser que le peuple est con, et que seuls certains ont la vérité. Et que ces gens là font de la politique, les autres non (ils sont trop cons)…

Depuis le moment où le tag est parti, j’ai l’impression qu’il a été transmis à bien des gens. Je vais donc ne faire suivre personne, ils ont déjà du être questionnés. Mais tout le monde peut y répondre…

9 commentaires:

  1. Je vais défendre Seb ! Il n'a pas dit que le Président était démago mais que s'il suivait l'avis du peuple il le serait. Donc ça me parait être dans la définition.

    (même si au fond on est d'accord).

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  2. J'ai juste repris la phrase. Je n'ai pas dit qu'il avait dit "le président est démago". J'ai juste contesté la définition de ce qu'est la démagogie, et surtout de ce que doit être la politique.

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  3. Ton billet est intelligent et honnête.

    La démocratie est un système impossible mais il n'y en a pas de meilleur : c'est tout le paradoxe.

    Je pense quand même que - histoires de popularité mises à part (je trouve que c'est un peu un faux débat) - le sacro-saint suffrage universel pose problème. Tu dis que le peuple est imparfait. C'est vrai. La masse, en tant que telle, est imparfaite.

    Je pense que l'individu l'est un peu moins.

    Un individu ne pourra jamais exercer sa liberté, son libre arbitre qu'en lui-même. Au sein de la foule, sa capacité à être libre se délite.

    Ce que j'essaie d'exprimer maladroitement, c'est que notre démocratie n'est pas assez représentative. En voulant se prémunir de l'instabilité (4ème république) ou des extrêmes (suppresion des scrutins intégralement proportionnels (à l'exception des européennes)), elle a verrouillé le pouvoir et contribué à le rendre inaccessible.

    Ce qui pose problème chez Sarkozy (comme cela a été le cas avec Mitterand, Giscard et même Chirac), ce n'est pas qu'il soit devenu impopulaire, car l'opinion (la masse) est très versatile, mais c'est qu'il ne considère pas devoir rendre des comptes au corps électoral et qu'il l'affiche très clairement (davantage que ses prédecesseurs).

    Nous devons réimposer les valeurs du Contrat Social.

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  4. Dorham, merci (c'est gentil)

    Je ne suis pas en désaccord avec toi quand tu dis que notre démocratie n'est pas représentative. Quand les assemblées valident un traité qui a été refusé par le peuple deux ans avant, ça pose en effet un problème quant à la représentativité.

    Et tu as raison : l'élu doit rendre des comptes vis à vis de celui qui l'a élu. Sarkozy ne le fait pas. L'élu, d'une manière générale, le fait trop peu...

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  5. Salut Faucon
    J'aime bien le contre-pied de Melenchon sur le populisme, il l'assume et lui redonne une valeur-que personnellement je ne connaissais pas-
    (l'émission de Taddei est vraiment intéressante)
    http://www.surlering.com/video/video.php/video/melenchon-est-il-populiste-ce-soir-ou-jamais-part-1
    http://www.surlering.com/video/video.php/video/melenchon-est-il-populiste-ce-soir-ou-jamais-part-2

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  6. Euh Melenchon non. Le populisme, ce n'est pas l'insulte, l'opposition frontale et atiser les haines... (ça, c'est autre chose...)

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  7. J'ai bien aimé tes arguments.

    Et ceux de Dorham également

    Je hurle toujours lorsque certains citoyens pensent que la démocratie, c'est un blanc-seing donné au chef élu pour 5 ans ! Sûrement pas !

    La démocratie se doit d'être un attelage de tous les instants entre le peuple et celui qui a délégation de conduire l'état.

    Je trouve la conception de cette 5ème république bien trop militaire, exagérément hiérarchisée avec un parlement croupion qui ne cherche qu'à sauver ses privilèges et trop dépendant de l'exécutif donc pas très libre.

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  8. C'est un article très intéressant.

    Je voudrais juste apporter une nuance à propos du Traité de Lisbonne. Si le principe d'une Constitution a été rejeté par le peuple (et encore, était-ce véritablement un rejet de l'UE, ou plutôt un effet collatéral de l'impopularité chiraquienne en grande partie ?), cela signifie-t-il que ce verdict doit être considéré comme définitif ? Je sais que mon exemple est déplacé et disproportionné, mais la loi n'a cessé d'évoluer dans l'histoire, et ce n'est pas parce que le peuple a semblé rejeter pendant une certaine période un sujet que le projet refusé doit être abandonné à jamais. Je pense à l'abolition de la peine de mort, souvent repoussée, mais qu'il a fallu régulièrement remettre sur la table pour parvenir à l'actuel résultat. Etc.

    Mais au-delà même de ces considérations, la rédaction et la ratification parlementaire d'un pareil Traité avait été prévue et inscrite dans le programme du candidat Sarkozy. Il n'a donc trahi personne, puisque ceux qui votaient pour lui savaient donc ce qui était promis, et cela comprenait Lisbonne. Ils a donc eu "le mandat", la "légitimité" de faire quelque chose, puisqu'il l'avait annoncé.

    Enfin, la politique impose aussi parfois de prendre des décisions impopulaires, car le recul et la profondeur de vue de la classe dirigeante doit pallier les éventuelles erreurs d'appréciation populaires à propos de sujets qui peuvent les dépasser ou à propos desquels des informations erronées sont acceptées béatement. Le plus grand nombre, le peuple, n'a pas toujours raison. Les dirigeants non-plus. Mais je ne crois pas qu'il soit dans l'intérêt d'une Nation que son Président suive uniquement et inconditionnellement l'opinion de sa population.

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  9. Cuicui, merci.

    Tu as totalement raison sur ce parlement ridicule et croupion...


    Alexandre, plusieurs choses.
    - Merci pour le "interressant". Ca ouvre la discussion, j'en suis ravi.

    - Sur le traité de Lisbonnes, le peuple a donné un avis. Et une personne, avec un parlement qui s'est révélé être à l'opposé de l'aspiration populaire, a décidé de passer outre le résultat du référendum. Chacun pense ce qu'il veut. Moi je pense que c'est un scandale qui devra se payer...

    - Nos amis de gauche diront que la retraite à 62 ans n'était pas dans le programme de Sarkozy. Mais qu'en plus de la ratification du traité de Lisbonne, il y avait "la République irréprochable" (point 2), et le "travailler plus pour gagner plus".
    Non Alexandre, très mauvais argument que de revenir au programme d'un président, qui n'a pas été appliqué.

    Après, "l'intêret de la Nation"... C'est exactement l'objet de la discussion. Je pense que le Peuple est le seul à savoir quel est "l'intêret de la nation". Et que personne, aussi intelligent soit il, n'est habilité à prendre des décisions "pour l'interet (supposé) de la nation", s'il n'a pas la légitimité qui vient du peuple.
    Parce que les gauchistes qui veulent la démission du président dans des No Sarkozy Day à la con, ils prétendent aussi parler "au nom de l'interet de la Nation". Alors qui a raison ? Pour moi c'est les urnes et le peuple....

    Mais on peut en discuter. Et ne pas être d'accord.

    Salut les gars, bon weekend !

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