mardi 26 mai 2009

Permettre ce qui existe déjà : retour à froid sur les déclarations de M. Lefebvre...

Hier soir, j'étais en colère devant la nouvelle "provocation" du député Lefebvre, qui tenait en cette formule : "donner la possibilité aux gens malades de travailler chez eux". Exposer, comme habituellement avec lui, de manière clivante et, je trouve, dangereusement agressive.
Vu l'état de moral des troupes, ou plutôt des citoyens, en ce moment, cela parait complètement fou qu'un "mouvement populaire" prenne cet homme comme porte parole. Mais bon, le sujet n'est pas le porte parole de l'UMP. Mais son idée : pouvoir faire travailler les gens malades.

Deux choses. En premier lieu, Frédéric Lefebvre cherche à inventer l'eau froide et à légaliser quelque chose qui se fait déjà. Et en deux, je considère ça comme une nouvelle attaque d'une certaine partie de la majorité contre les cadres d'entreprise.
Enfin, en subsidiaire, le problème des arrêts de travail abusif, et/ou de complaisance, n'est pas traité. Et pour moi cela reste un problème car quand la sécurité sociale "paye" quelqu'un qui s'est engueulé la veille avec son chef à rester chez lui, il n'a plus l'argent pour indemniser l'accidenté du travail, ou celui qui doit subir une grave ou couteuse opération pour pouvoir retourner dans quelques temps au boulot justement...

Réinventer l'eau froide. Je prends mon cas. J'ai été malade un jour en janvier. Une grippe. Ca arrive. L'après midi, j'allais un peu mieux. Ben j'ai pris mon PC, et j'ai bossé. J'ai appelé mon chef de projet de l'époque (avec qui bosser est le plus grand des bonheurs) qu'il me fasse suivre deux trois trucs. Oh, j'ai pas été brillant, mais j'ai avancé. Je me suis occupé.
Je ne suis pas le seul. Brigetoun et Fleche l'ont rappelé dans le billet précédent. On le fait souvent. Quand on peut bien sur. Parce qu'il faut avancer le boulot. Et que celui ci nous plaise ou non, il faut arêtter, dans l'ensemble, le salarié français est consciencieux.
C'est pour ça que le vocabulaire de culpabilisation d'un Frédéric Lefebvre vis à vis du salariat français m'insupporte au plus haut point ! Il n'est pas seulement scandaleux, il est aussi terriblement injuste.

Ensuite, une attaque contre les cadres moyens. Ceux pour qui le "travailler plus pour gagner plus" n'est qu'un slogan. Parce que les heures supplémentaires, c'est pas pour les cadres moyens. Parce que les règles de répartition des bénéfices de l'entreprise à la fin de l'exercice le laisse toujours sur la touche. Enfin, parce que les gestes de l'état ne l'atteignent jamais. Trop riche (de peu souvent) pour bénéficier des nombreuses aides qui sont mises en place (voir ce billet par exemple), et beaucoup trop pauvre pour bénéficier des boucliers fiscaux et autres mécanismes d'allègement d'impôts.
Pourquoi ? Parce que cette proposition de loi s'adresse d'abord aux cadres, qui bossent sur ordinateur, avec un téléphone branché 24 h sur 24. Ne soyons pas naïfs.
Il y a une partie du Parlement (droite et gauche) qui n'aime pas les cadres. Parce qu'ils n'aiment pas les entreprises. Ou parce qu'ils n'aiment pas cette profession. Combat d'égos ou de prestige ? Le résultat est en tous cas triste : il n'y a pas de cadres dans les assemblées nationales ou Sénat. Pas de cadres chez des grands élus. Si, des grands patrons y a (fils Dassault par exemple). Mais pas de cadres.
Alors légaliser quelque chose qui se pratique déjà, n'est ce pas mettre une pression supplémentaire sur le cadre ?

Maintenant, le cadre n'a pas de gros camion pour bloquer le pays... Et le vote du cadre, il n'est que ce qu'il est. Avant il votait à droite, puis il a voté à gauche, puis Bayrou, puis... Puis maintenant, après discussions avec des collègues à la machine à café ou devant un verre de blanc, il ne sait plus.
A force de taper, ça risque de casser...

Enfin, pendant qu'on lance des outrances à une France qui devrait plutôt être rassurée et motivée plutôt que continuellement agressée, règle t'on les vrais problèmes ? Oui il y a des abus. Oui la sécurité sociale est exsangue. Mais prenons le problème différemment.
Les arrêts de travail abusifs, sanctionnons les. Je le réclame vraiment. Ensuite, mettons les salariés dans les bonnes dispositions pour ne pas être malade. Que les CHSCT servent à quelque chose. Et que les syndicats arrêtent de se battre pour des broutilles catégorielles et se mobilisent pour les conditions de travail dans l'entreprise. Les avantages acquis c'est bien. Mais la lutte contre les modes de management qui se basent sur la peur et la terreur, ça paraitrait plus juste.
Les salariés qui viennent au boulot la matin avec une boule dans le ventre, espérant presque que leur véhicule trouve le platane du virage plutôt que la place de parking à l'ombre, c'est pour moi un véritable problème, que personne ne traite !

Enfin, qu'on arêtte avec cette politique du clivage, de l'agression permanente, de l'affrontement. J'en ai marre que ces pyromanes (de droite ou de gauche) qui balancent tous les jours une bombe dans l'actualité, pour voir comment ça fait. Ces apprentis sorciers de l'embrasement social. Les uns contre les autres. J'en ai marre de la rhétorique des Copé, Sarkozy, Lefebvre, Hamon et Royal. J'en ai marre.

Mais bon, l'amendement de Lefebvre a été rejeté hier. Sans doute l'assemblée ne le votera t'elle pas. Mais qu'en pense le Président ? S'il est favorable, ne fera t'il pas revoter, et encore rerevoter l'assemblée, jusqu'à ce que les godi... euh députés, disent oui ?
Je mélange un peu tout... La fatigue sûrement...

Ps : je n'ai pas parlé du congé parental. J'en avais parlé ici : ne touchons pas à ce droit acquis, qui n'est pas un avantage exorbitant et scandaleux, vraiment... Et cessons de vouloir tout casser : ça ne rendra pas la France plus compétitive que de laminer le moral général...
PS bis : PC Inpact est génial. A la question du télétravail, ils répondent dans la peau d'un salarié malade : "je peux pas, j'ai été Hadopié...". C'est drôle...

16 commentaires:

  1. J'ai du mal à comprendre Lefebvre, il fait tout pour se faire laminer...

    Bobiyé, beau coup de gueule.

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  2. Analyse très intéressante.

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  3. Je suis d'accord avec toi à 98%.

    "Et que les syndicats arrêtent de se battre pour des broutilles catégorielles", c'est un hommage déguisé aux syndicats qui se battent ; qu'ils continuent !

    Voilà, ça fait 2%.

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  4. Mtislav,

    Tu crois que ça fait toujours plaisir aux gens quand je leur envoie des visites ?

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  5. Bien dit !
    C'est tout à fait ça, c'est effectivement essentiellement les cadres qui seraient concernés, or leurs responsabilité, leur autonomie et leur conscience professionnelle font que, s'ils le peuvent, ils avanceront dans leur boulot même arrêtés !
    Ils savent que de toute façon ce qu'ils ne font pas lorsqu'ils sont malades, il faudra le faire à un autre moment et dans les mêmes délais !
    Cette proposition stupide n'aurait fait que mettre une pression supplémentaire sur leurs (nos) épaules en nous culpabilisant ….allez, au boulot gros fainéants, ce n’est pas parce que vous êtes malades qu’il faut se la couler douce aux frais de la Société !!!....et de la pression, on en a déjà suffisamment !

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  6. Tu observes à juste titre, Falcon, que les cadres ne sont pas élus tout au moins députés ou sénateurs.
    Et pour cause, la plupart des cadres travaillent et travaillent beaucoup.
    Ils n'ont tout simplement pas le temps de penser à faire de la politique.
    Ils n'ont pas même le temps de voir leurs enfants la plupart du temps.

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  7. Glop glop à vous,

    Nico : j'adore le "bobiyé", je le réutiliserai ^^

    Homer : Merci :)

    Mtislav : le lien est une pure gourmandise, merci.
    Sur les syndicats, je confirme ce que je dis. Je trouve que certains "combats", ou revendications, frolent l'indescence. Par contre, je suis effaré du silence de ceux ci sur les conditions de travail, et sur le (employons les mots forts) "harcèlement" qui se fait sur certains salariés.
    Le management par la terreur est de plus en plus fréquent. Je pense que lutter contre est important. Peut être est ce "moins rémunérateur" dans les urnes...

    Nico007 : merci aussi. J'en ai marre de cette culpabilisation du travailleur, de la part de personne comme Lefevbre...

    Fleche : ben oui... et c'est bien dommage.

    Bonne aprésmidi à tous

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  8. Un de tes meilleurs posts (ils sont tous excellents je te rassure :) ) depuis le debut de l'annee a mes yeux. Franchement cette analyse je la partage en tout point. Drole de climat deleitaire (je ne sais plus comment ca s'ecrit) qui s'installe la... C'est un peu du meme genre que le coup de la Garde des Sceaux qui reprend le boulot 5 jours apres s'etre fait ouvrir le bide --> culpabilisons ces feignasses de femmes qui osent prendre plus d'une semaine de conges parental.
    Enfin je sais pas si c'etait voulu, mais l'effet a ete le meme (peut etre repris de facon trop exageree par l'opposition cependant)

    Mais la...

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  9. Rien à rajouter, sauf applaudir

    :-)

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  10. ce Lefebvre m'exaspère ! bonne analyse ;-)

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  11. Je comprends tes 2 billets sur le sujet Faucon, et me suis effectivement déjà retrouvée dans la situation où, en arrêt maladie avec un plâtre au poignet, j'étais persona non grata au labo (questions de sécurité, je ne pouvais mettre ni tablier de labo ni gants, ni désinfecter ma main avant d'entrer en zone stérile). Vu que je m'ennuyais un maximum j'avais alors demandé à mon patron (avec qui je m'entendais très bien) de m'envoyer des choses à faire: des rapports que je tapais d'une main sur mon clavier.

    Cependant, vu les rapports de force parfois exécrables qui règnent dans le monde du travail (le management par la terreur, j'ai vu çà dans un autre job dont je me suis encourue vite fait), il y a lieu d'être prudent avec les initiatives à la Lefebvre. Pas besoin d'être grand clerc pour savoir que les menaces voilées et la pression subtile (ou non) pour dire: "soyez volontaire, ou alors je n'aurai aucun mal à trouver à l'ANPE quelqu'un de plus docile que vous"...cela existe.

    Alors cette histoire de volontariat en congé de maladie, perso cela allume des petites lumières rouges dans ma tête: attention, vigilance!

    D'habitude je ne fais jamais de copier-coller, mais je me permets d'ajouter un billet qui résume au mot près mon avis sur la question:

    http://www.culturalgangbang.com/2009/05/droits-sociaux-modus-enculandi.html

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  12. Plop,

    Tout à été dit, et bien dit. Le pire c'est que ce type, qui n'est même pas élu député (merci Santini), est le "porte-parole"... ce n'est donc que la voix de son maitre et franchement, moi, ça me fout la trouille d'entendre les énormités dont il est capable. Si les journalistes avaient un minimum de déontologie, ils arrêteraient de l'inviter, au moins on l'entendrait un peu moins, ce qui ne serait pas plus mal.

    Petit lien "florilège" : http://www.youtube.com/watch?v=03AvIw2DD90&feature=player_embedded

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  13. Glop glop les gens

    Tinou : merci de ton compliment, très touché.
    Oui, l'exemple super Rachida est terrible. Mais il va même plus loin : une France dans laquelle, à partir d'un certains niveau de responsabilité, on ne peut plus montrer de faiblesses. C'est, je trouve, effrayant.

    Claudio : merci

    Les ratons : merci aussi, je prends.

    Neo Intercevicius : coucou
    Sur ton exemple perso, on est beaucoup comme ça. Le salarié est aussi responsable et consciencieux, ce qu'oublie les tenants d'une culpabilisation générale.

    Vigilance, tu as complétement raison. Parce que la pression morale mise dans certains endroits fait que ce genre de loi est une porte ouverte à tout pleins de choses pires.

    Merci du lien

    Pecky : tu as raison avec Santini ! pétard j'avais zappé ça !

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  14. Bon, on peut se gargariser en crachant sur Lefèvre. J'ai été pendant 15 ans salarié d'un grand groupe. L'absentéisme pour maladie était de 3,5% du temps de travail. Il y avait 900 personnes dans l'usine; cela signifie qu'en permanence 30 personnes étaient absentes ! Depuis 10 ans, je suis patron de petites PME. L'absentéisme y est de ... 0%: jamais une absence ! Un gars grippé ou enrhumé vient quand même. Il n'y aurait pas de conséquence a une absence, mais le gars vient quand même. En fait, quoi de mieux que travailler pour oublier qu'on est malade et quelle maladie empêche vraiment de travailler ? Il y a 100 ans, tous nos ancêtres étaient paysans et se levaient chaque jour à 5 h pour traire les vaches, malades ou pas. Finalement à quoi servent les indemnités maladie ? A payer les gens qui n'ont pas envie de travailler. Cela n'enlève rien au fait que F. Lefèvre est un charlot, mais la réalité est là: un gras à son compte n'est jamais malade et notre société est bien complaisante avec ses "malades".

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  15. Anonyme, tu as raison sur les abus. je les stygmatise, et je dis qu'il faut les combattre.

    mais je dis aussi que Lefebvre est dans l'outrance et le clivage. Son but n'est pas de lutter contre l'absentéisme sauvage que de mettre en place une politique de culpabilisation générale : c'est ça que je déplore.

    On a tous été malade, et tous on a bossé malade quand même, où de chez nous. Il faut qu'on arêtte de culpabiliser le salarié qui se lève le cul. Et il faut arrêter de culpabiliser le cadre. C'est mon message ça !

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